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L'accompagnement des freins restrictifs: une histoire de patience et de respect.




Dans toutes les polémiques sur les freins restrictifs, on voit souvent avancé l'argument de risque de troubles de l'oralité, avec une mise en cause des exercices proposés en pré et en post-frénectomie.


Pour écrire cet article, je me réfère au post publié par l'équipe d'Happy Ortho, si souvent de bon conseil:


Il est donc essentiel de faire le maximum pour garder la confiance de bébé.


En fait, il faut toujours remettre les choses dans leur contexte. Commençons par le début.


Si l'on suspecte des troubles oro-myo-faciaux, l'examen de la bouche de l'enfant doit être fait dans le respect de celui-ci et de ses limites. Toutefois, un examen "rapide" ne suffit pas. Il faut un examen complet des fonctions de la langue, de la bouche en général, de la succion, de la mobilité de l'enfant dans sa globalité, des tensions qui le perturbent et des difficultés qu'il a pour téter, se nourrir quand il est plus grand, de s'assurer d'une respiration nasale.

Tout cela doit se faire au rythme du bébé et peut donc prendre plusieurs séances.


Notre conception sociétale actuelle va souvent dans le sens du vite et "parfait". L'instantanéité: "je l'ai rêvé, je le veux tout de suite". Ce n'est pas possible dans ce cas de figure. D'où aussi l'intérêt de travailler en équipe pluridisciplinaire pour faire un suivi complet et gérable dans le cadre d'un horaire de parents bien occupés, mais aussi du côté professionnel, dans le cadre d'un horaire de consultations bien chronophages.


De plus, les parents sont souvent dans une "urgence" de résoudre le "problème" du/des frein/s parce que l'impact est difficile à supporter aussi pour la maman (douleur à l'allaitement, tétées très fréquentes et insuffisamment nutritives, etc..), et les deux parents (bébé qui pleure beaucoup, reflux, sommeil perturbé, etc...). Parfois cette urgence est encore compliquée par une "obligation" de retour au travail et donc d'une moins grande disponibilité à faire les exercices nécessaires. Sans compter le "stress" du "Je veux être sûr qu'on fait bien les exercices pour que le frein ne se reforme pas et que l'on n'ait pas fait tout cela pour rien".


Tout ceci étant aussi compliqué par le fait que, de nos jours, on voudrait que le bébé rentre dans notre moule, notre modèle de société, alors que le rythme de vie de celle-ci ne correspond pas du tout à ses besoins. Par exemple, on veut tout de suite séparer bébé de sa maman et le faire dormir dans un lit à part, voire dans une chambre à part, pour qu'il 'fasse" ses nuits. On règle le rythme des tétées ou des biberons en fonction de "protocoles" qui ne tiennent aucunement compte de l'individualité de chaque bébé, de chaque parent. On noie les parents d'injonctions de faire du parentage proximal, mais on renvoie les mamans au travail alors que bébé a seulement quelques semaines (donc, besoin de sommeil pour maman et papa aussi, d'où précipitation à ce que bébé dorme la nuit, etc...).

Injonctions paradoxales en permanence!

Donc, bébé devrait s'adapter à notre rythme et non l'inverse...???


Tout ceci rend bien confus les conseils qui peuvent être donnés lors d'un suivi autour de restrictions oro-myo-faciales.


Du coup, dans le cadre du suivi des freins restrictifs, cela commence par un professionnel qui écoute les parents!!!!

Il faut aussi quelqu'un qui respecte l'enfant, lui parle, lui explique, aussi petit soit-il, mesure ses gestes en commençant par d'autres endroits que la bouche. En effet, pour qu'un bébé accepte que l'on mette les doigts dans sa bouche, il faut qu'il puisse tolérer le contact. Or, certains enfants ne supportent pas le contact sur le visage, parfois même sur le corps. Il faudra donc commencer par désensibiliser ces zones avec les parents avant de pouvoir faire un examen complet de la bouche.

De cette manière, les parents comprennent aussi toute l'importance d'une approche douce et respectueuse (ah les neurones miroirs!).


Et tenir compte aussi que bébé, comme nous, peut avoir des moments où faire les exercices, ça ne lui va pas. On propose alors d'autres aspects, moins invasifs mais tout aussi importants (peau-à-peau, mobilisation, Tummy Time, Guppy, massages, bain dans la grande baignoire avec papa ou maman), si possible, l'élévation postérieure de la langue, etc... et on retourne faire les exercices intra-buccaux un peu plus tard.



Petit truc: il n'est pas nécessaire de faire les exercices par "bloc" ce qui est souvent trop long pour les bébés, mais vous pouvez aussi profiter de moments où bébé est disponible, quand cela se présente, et faire des petites sessions d'exercices. Le principal est de faire une bonne préparation et donc, de prendre le temps que cela nécessite pour le faire dans les meilleures conditions. En post-frénectomie, c'est pareil, ce qui compte c'est ce que l'on fait sur 24h et ne pas laisser trop de temps sans rien faire.


Les troubles de l'oralité n'arrivent pas parce qu'il y a eu frénectomie, ni parce que l'on a fait des exercices avant et après l'acte chirurgical.

Les troubles de l'oralité peuvent arriver parce qu'il y a un/des frein/s et que téter peut être très désagréable et exigeant pour bébé "qui n'y arrive pas" (on est loin du "ne veut pas"!!!). Il peut avoir des difficultés à satisfaire sa faim, à avaler correctement sans s'étouffer, à stimuler le sein assez longtemps pour avoir le lait qu'il réclame, etc... (et c'est équivalent aussi au biberon). Sans compter l'aspect émotionnel qui le ramène peut-être à chaque tétée aux difficultés déjà rencontrées lors de la naissance, notamment ("je n'y arriverai jamais", "c'est dangereux", "j'ai peur de ne pas y arriver", "personne ne m'entend", etc...)


Ils arrivent lorsque l'on ne respecte pas le rythme de bébé (et chaque bébé a le sien), sa tolérance ici et maintenant, le fait de faire tout cela en douceur et complicité, par le jeu... à chaque fois que l'on fait des exercices,

Et donc... aussi faut-il être dans un état de disponibilité à ce moment-là, pour le parent (ou le professionnel) qui fait ces démarches (et ce n'est pas toujours simple).


Ils arrivent lorsqu'on ne suit pas l'évolution de bébé et que des tensions persistent sans en chercher la cause, que l'on met en cause l'allaitement et que l'on fait du forcing, qu'on lui propose trop vite une diversification alimentaire, que l'on ne comprend pas ce qui se passe quand, par exemple, on donne une purée à la cuiller et que son contenu ressort plusieurs fois de la bouche bébé (du coup on "racle" la purée sur ses lèvres et on lui redonne)

La question de la multidisciplinarité est aussi souvent au centre des discussions. Etant donnés les multiples aspects entraînés par une restriction oro-myo-faciale, il faut tenir compte de tous ces aspects: en premier s'assurer que bébé se nourrit correctement et a une prise de poids satisfaisante que le bébé soit nourri au sein ou au biberon (consultante en lactation IBCLC, sage-femme bien formée à l'allaitement, etc... ). En même temps, il faut travailler sur le corps et ses tensions (ostéo, chiro, thérapie crânio-sacrée, etc...). La contribution d'un(e) orthophoniste est aussi essentielle pour aider à la rééducation oro-myo-faciale, améliorer la succion, la mobilisation de la langue (aussi chez les bébés) et améliorer la respiration pour qu'elle soit bien nasale, langue au palais. Il y a aussi les kinés qui peuvent compléter tout cela, en particulier ceux qui sont formés en rééducation oro-myo-faciale. Donc, quel que soit le premier professionnel que vous rencontrez, cette équipe devrait être considérée en fonction des besoins de chaque bébé. Et, bien sûr, in fine, le praticien (pédiatre, dentiste, ORL) qui pratiquera la frénectomie lorsqu'elle s'avère nécessaire.


Bref, nous sommes loin d'un simple choix binaire "pour ou contre". Il s'agit, lorsque l'on propose une frénectomie, du résultat d'une évaluation complète, respectueuse, mesurée et d'un accompagnement toujours fait en tenant compte de tous les protagonistes. Pour qu'une frénectomie soit réussie et bien vécue, il faut que chacun soit prêt. Ce n'est jamais facile de décider de faire une chirurgie chez un bébé ou un enfant, mais, quand il existe des façons de faire qui permettent un meilleur résultat et un vécu plus serein, ce serait vraiment dommage de se contenter d'autre chose. Compte tenu des conséquences possibles d'un suivi bâclé, il vaut mieux prendre le temps et, pour les parents, écouter leur coeur quand ils trouvent qu'un professionnel ne correspond pas à leurs valeurs.


Peut-être qu'en étant plus au fait de tout cela, on pourrait éviter des polémiques qui rendent les parents encore plus confus alors qu'ils sont déjà dans des difficultés et les professionnels moins méfiants (voire hostiles) envers une pratique certes qui se développe, mais comme bien d'autres, au fil des connaissances de plus en plus pointues sur le sujet. Contrairement à ce que disent certains, de nombreuses études sont faites pour corroborer ces pratiques qui vont certainement encore évoluer avec le développement des savoirs.







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